En toute naïveté, avec
Guillaum Chaigne

par Angèle Simon

Designer autodidacte depuis l’âge de 19 ans, Guillaum Chaigne nous parle d’émotions,
d’inspirations, et d’amour pour l’industrie de la mode québécoise.

Passionné de bricolage, de dessin et de peinture, c’est à seulement dix ans que Guillaum découvre la couture, lorsqu'il déniche la vieille machine à coudre de sa mère. Malheureusement, le jeune garçon n’est pas accepté des autres pour son passe-temps peu commun. À l'adolescence, il décide donc d’arrêter à cause de la pression sociale et troque la machine à coudre pour une guitare électrique, ainsi qu’un skateboard. Quelques années plus tard, Guillaum retrouve son amour pour la création, mais cette fois, il déconstruit des vêtements trouvés dans les friperies afin de les transformer en pièces uniques et originales. C’est de cette façon qu'il apprend les techniques de la couture et que sa passion pour la mode commence véritablement. 

C’est en 2015, que le projet éponyme Guillaum Chaigne est lancé à Montréal. La marque propose du streetwear haut de gamme, fabriqué sur-mesure et avec amour dans l'atelier du designer. Deux collections sont présentées chaque année, une pour le printemps-été et une pour l'automne-hiver. 

Présentée lors du Festival M.A.D., la collection comporte des coupes surdimensionnées, structurées, des couleurs sombres et une certaine fluidité de genre, faisant référence à la mode japonaise et coréenne. Cette influence vient de ses designers préférés, tels que Jerry Lorenzo (Fear of God), Yohji Yamamoto ou encore Ray Kawakubo (pour Comme des Garçons). D’ailleurs, son plus grand rêve serait d’avoir sa maison de couture ainsi que son atelier à Séoul, où il a déjà fait quelques ventes en ligne. Guillaum s'inspire également de ses collègues et amis créateurs, qui selon lui, persévèrent dans le monde parfois difficile de la mode, font entendre leur voix et montrent leur style avec assurance.

“J’étais dans mon atelier, j’écoutais de la musique dans le tapis, je pleurais, je riais, je chantais, je dansais. Ça fait partie de mon processus créatif.”

Alors que son environnement et les personnes autour de lui sont constamment des sources d’inspiration pour Guillaum, ses muses, qu’il appelle ses chatons, jouent un rôle important dans son processus créatif. Ses chatons, ce sont ses modèles et ami.e.s , qui le supporte, avec qui il discute, il rit, il pleure, il danse, il chante, et ce, en toute naïveté. Pour lui, c’est important de retrouver son cœur d’enfant, créatif et insouciant, afin de rester authentique dans son travail. Dans ses créations, on peut percevoir à la fois le jeune Guillaum de dix ans, qui souhaite seulement s’exprimer, et le savoir-faire ainsi que l’expertise qu'il a accumulés au fil des années.

Ainsi, Guillaum Chaigne incarne une fusion d'émotions et d'influences orientales, avec une touche de culture skate et punk, le tout enveloppé d'une bonne dose de naïveté.

Éthique et écoresponsabilité

En plus de prôner l’amour, la passion et la naïveté au sein de sa marque, Guillaum Chaigne souhaite aussi mettre de l’avant son engagement pour l’environnement ainsi que pour les travailleurs de l’industrie . 

 Soucieux de la provenance de ses tissus, il s’assure que la production et le transport de ces derniers émettent le moins de pollution possible. Plusieurs de ses créations sont fabriquées à partir d’un coton interlock provenant de l’Inde et importé en ballots à Montréal. La matière première est ensuite tissée et teinte directement dans la ville, ce qui réduit considérablement l'empreinte carbone. Pour ce qui est des vêtements fabriqués en lin, la matière première est cultivée, tissée et teinte en Californie. Le tissu est ensuite transporté à Montréal par voie terrestre, donc est moins polluant que le transport par avion. Pendant notre entrevue, Guillaum nous confie qu’il est très important pour lui de vérifier si l’usine où les tissus sont fabriqués offre des bons salaires à ses employés, des conditions de travail adéquates et respecte les normes. 

Selon Guillaum, la meilleure façon de consommer plus responsable est de reporter ses vêtements plusieurs fois. Le “ outfit repeating ” est une pratique de plus en plus courante chez les amateurs de mode. Même les personnalités connues comme Kate Middleton, Hailey Bieber ou encore Cate Blanchett reportent leur tenues de tapis rouge sans aucun regret. Guillaum mentionne également que de modifier un vêtement qui n’est plus à notre goût ou qui est abîmé est une bonne façon de redonner vie à une pièce.

Rêver... ensemble

“Selon toi, quel mot définit le mieux la mode québécoise ?”. Quand on a posé cette question à Guillaum, il a immédiatement répondu sans hésiter : créativité. Par la suite, il a ajouté l’inclusion.

“Je trouve qu’il y a beaucoup de talent à Montréal, c’est une ville très créative, on a quelque chose à envier. On a des créateurs exceptionnels et une grande ouverture envers eux. M.A.D. fait partie de cette ouverture là.”

S’il y a bien une chose que Guillaum aime dans l’industrie de la mode au Québec, c’est les gens qui la composent. Des gens qu’il qualifient de créatifs, innovateurs et qui osent faire des choses qui sortent de l’ordinaireIl pensent également que les créateurs d’ici ne devraient pas avoir peur de parler de leur talent en dehors des frontières et d’être fiers de leur travail. En discutant de son rôle dans le domaine, il souligne que la compétition n’a pas sa place et que les artistes pourraient travailler et s’encourager ensemble plutôt que de rester chacun de leur côté.